Avec 120'000 habitants, Potosí est la ville la plus peuplée d’Amérique à la fin du XVIe siècle et la plus grande productrice d’argent au début du XVIIe, au bénéfice de l'Empire espagnol uniquement. La ville entame sa décadence au XVIIIe, avec le début de la stagnation de l’extraction d’argent par les Espagnols. Des investisseurs anglais et chiliens prennent le relais, mais à la fin du XIXe, les prix de la matière première chutent brutalement à la découverte de nouvelles mines en Australie et aux Etats-Unis. S’en suit alors la fermeture de nombreux gisements en Bolivie, qui n’a au passage rien pu tirer pour elle.
Sa malchance se réitère au début du XXe siècle. Après l’argent, c’est désormais une autre ressource qui attire l’appétit des puissants. L’ère des "barons de l’étain", Simon Patiño, Félix Aramayo et Moritz Hochschild – qui se partagent 20% de la production mondiale à eux trois [1] – ne permet pas non plus à la population locale de sortir de la misère. Au contraire, c’est à nouveau en tant qu’exploité que le peuple participe à cette seconde saignée de sa terre qui ne fait prospérer qu’une minuscule élite. (On dit qu'avec une fortune estimée à plus de 500 millions de dollars, Patiño était plus riche que l’Etat bolivien.) Après la seconde guerre mondiale, la révolution populaire nationalise les mines d’étain parmi d’autres ressources naturelles en 1952, et décrète leur exportation monopole de l’Etat.
La mine de Chimborazo à 4'180 mètres d'altitude sur le Cerro Rico à Potosi emploie entre 80 et 100 mineurs jour et nuit pour extraire de l'argent, du zinc et du plomb. |
Mais l'extraction d'étain s'avère ne plus être rentable. Le mouvement révolutionnaire chute et se fait renverser par une dictature militaire. Après une période haute, le cours du métal descend à nouveau et entraîne une hyperinflation dans les années 1980. Le gouvernement redevient démocratique et avec l’avènement de politiques néolibérales qui se substituent au modèle étatiste, le pays retrouve un semblant de stabilité économique, au prix toutefois d’une dépendance financière accrue envers le FMI et la Banque Mondiale. Presque tous les secteurs, notamment les hydrocarbures, sont privatisés. Le gaz naturel est alors exporté en masse par de grosses entreprises multinationales, et la société bolivienne, encore une fois, est la dernière bénéficiaire de ses ressources abondantes.
Comme Aleida et Nicolas, de nombreux Potosinos gagnent encore leur vie grâce au fastidieux travail des quelques 300 mines du Cerro Rico. |