Faute de temps, de connaissance du pays, et en l’absence de réseau sur place, nous n’avons pas pu vérifier les allégations de Pablo à propos du président du Comité scientifique de la GNRE. Nous avons donc décidé de reproduire ci-dessous l’essentiel de son récit sur Guillaume Roelants. Si nous ne pouvons attester de la véracité des faits qui suivent, il nous semblent suffisamment plausibles pour être communiqués à tous les lecteurs s'intéressant à ce sujet. En outre, tous les autres témoignages que nous avons recueillis abordant Guillaume Roelants, même s'ils sont infiniment moins détaillés, concordent avec celui de Pablo [1]. Enfin, nous avons essayé de joindre le principal intéressé à plusieurs reprises, par téléphone et par e-mail, mais nous n'avons jamais réussi à entrer en contact avec lui. Nous n'avons donc pas eu l'occasion d'entendre sa version des faits.
Deux volontaires belges à Potosí
"Il y a deux étapes dans la vie bolivienne de Guillermo Roelants, commence à raconter Pablo. L’une avant ce gouvernement, l’autre depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales. Avant ce gouvernement, Guillaume Roelants arrive en Bolivie avec son épouse Chantal Liégeois comme volontaires belges dans le sud-ouest de Potosí, à la CECAOT (Centrale de Cooperatives Agicoles - Operación Tierra). Cette organisation était dirigée essentiellement par des volontaires belges puisque son financement résultait d’un apport du gouvernement de Bruxelles. On pense que Roelants, qui se déclare ingénieur en physique nucléaire de formation, est l’un des derniers arrivés.
Une fois entré dans la coopérative, il propose de transformer une branche de cette ONG d’aide aux populations en une entreprise privée afin d’augmenter les bénéfices. Il dit aux coopérants que la privatisation amènera plus de revenus, lesquels seront distribués entre les associés. Évidemment cette idée les séduit, et c’est ainsi que se crée l’entreprise Socidedad Industrial Tierra S.A., spécialisée dans la production d’acide borique. Bien que Tierra se définisse toujours comme une entreprise à caractère social, de nombreux employés ont estimé s’être fait avoir en constatant que Roelants utilisait certains fonds pour des projets personnels parallèles. Des travailleurs ont alors commencé à le haïr, et aujourd’hui encore il existe énormément de ressenti contre lui dans la région. Son usine d’acide borique a également toujours été menacée par des populations locales qui cherchaient, sans succès, à le faire expulser.
Pour beaucoup de gens, c’est un pionnier dans l’exploitation et la commercialisation des dérivés du bore. Ce dérivés ont pourtant toujours été exploités et commercialisés dans le Nord du Chili, il n’a donc rien découvert si ce n’est que cela marchait aussi bien dans le sud de la Bolivie. C’est comme le carbonate de lithium aujourd’hui : personne ne peut dire que la Bolivie a inventé quoique ce soit, cela s’est toujours fait ailleurs.
Constamment sur la brèche, l’entrepreneur commence ensuite à acheter des concessions dans les déserts de sel boliviens, dont la principale est à Capina, afin de pouvoir garantir et contrôler son approvisionnement en bore, une ressource évaporite présente dans de nombreux salars boliviens. L’obtention de cette concession a fait des victimes. Des gens sont morts pour défendre ce gisement, lequel alimente toujours la fabrique de Roelants. Après avoir obtenu cette concession, il commence à en acquérir d’autres dans le salar de Chalviri. Il obtient ensuite celle de Pastos Grandes, un autre salar, le deuxième plus important actuellement pour la quantité de lithium qu’il recèle. En ce moment, certains disent même que la personne qui reçoit le plus de bénéfices de cet or gris, c’est lui.
La dette de Roelants
On peut donc dire que la plupart des concessions qui existent dans tous les salars de Bolivie sont contrôlées par Roelants. Mais parmi eux, on ne compte pas le salar de Uyuni, car il a été décrété réserve fiscale, donc propriété de l’Etat. Il n’y a aucune concession privée car seul le gouvernement a le droit de l’exploiter. Par contre, Pastos Grandes est une concession près de l'usine de transformation de Rio Grande, et si le projet du lithium avance, le gouvernement va devoir négocier avec Guillaume Roelants. En effet, s’il le voulait, celui-ci pourrait faire exploiter sa concession qui regorge de lithium par des sociétés étrangères. Suivant les lois minières de Bolivie, comme partout dans le monde, les concessionnaires peuvent exploiter leurs gisements comme ils le veulent, à conditions de payer les royalties et les patentes. On ne peut pas lui retirer ces concessions, parce qu’il les a obtenues légalement en rachetant les royalties impayées de concessionnaires en faillite.
Roelants a eu des contacts avec quelques entreprises, notamment des internationales. Mais il est endetté auprès de l’Etat bolivien. En effet, il s’était fait prêter de l’argent par la Corporation Interaméricaine d’Investissement pour pallier au problème social de Potosí en créant des emplois lorsqu’il travaillait pour la CECAOT. Il a également emprunté auprès de la Banque minière de Bolivie pour un programme de lutte contre la pauvreté, emprunt qu’il n’a pas non plus remboursé. Je ne sais pas comment le gouvernement et lui ont résolu ce problème de dette, mais c’est un point qu’il faut considérer.
D'une part, Roelants a toujours utilisé la pauvreté sociale comme prétexte pour ses emprunts. Je pense qu’il a en réalité utilisé cet argent pour construire son usine de Tierra S.A., et d’autres fabriques sur territoire chilien qui sont à son nom. S’il y a effectivement des emplois qui ont été créés, ils ne sont revenus qu’à des gens qu’il a sélectionnés lui-même selon ses propres intérêts. Tout travailleur qui a posé des questions sur l’origine de l’entreprise ou sur son passé a été immédiatement licencié, ce qui n’a évidemment pas aidé l’entrepreneur à remonter sa cote de popularité. Mais d’autre part, cette dette le lie profondément à l’Etat bolivien. On peut dès lors facilement imaginer une entente pour taire à la fois l’existence de la dette et celle des concessions de Rio Grande, qui décrédibilisent la politique souverainiste du gouvernement actuel.
D'une part, Roelants a toujours utilisé la pauvreté sociale comme prétexte pour ses emprunts. Je pense qu’il a en réalité utilisé cet argent pour construire son usine de Tierra S.A., et d’autres fabriques sur territoire chilien qui sont à son nom. S’il y a effectivement des emplois qui ont été créés, ils ne sont revenus qu’à des gens qu’il a sélectionnés lui-même selon ses propres intérêts. Tout travailleur qui a posé des questions sur l’origine de l’entreprise ou sur son passé a été immédiatement licencié, ce qui n’a évidemment pas aidé l’entrepreneur à remonter sa cote de popularité. Mais d’autre part, cette dette le lie profondément à l’Etat bolivien. On peut dès lors facilement imaginer une entente pour taire à la fois l’existence de la dette et celle des concessions de Rio Grande, qui décrédibilisent la politique souverainiste du gouvernement actuel.
Opération "Frontera 2000"
Guillaume Roelants du Vivier commence donc à travailler dans les dérivés du bore dans une usine située vers la Laguna Colorada. Mais la législation bolivienne dit qu’aucun étranger ne peut avoir de propriété privée à moins de 50 km des frontières à l’intérieur des terres, pour des raisons de sécurité d’Etat, que ce soit en son nom, celui d’un tiers ou d’une association. Cette usine qu’il a, il ne devrait pas en être le propriétaire. C’est pour cette raison qu’elle est enregistrée au nom de Carmen Rosa Burgos Ortíz, l’une de ses ex-employées de Tierra et mère d’un de ses enfants. Carmen est devenue de facto la personne en qui Guillaume dépose toute sa confiance.
Il existe une route qui va de l’usine à Calama, au Chili, mais ce n’est pas une route officielle. La vraie route, le patron de Tierra ne l’a jamais utilisée pour ses travaux. C’est sur ce point précis que se sont basées les brigades des stupéfiants quand elles ont commencé à soupçonner Roelants d’infraction à la loi 1008, qui réglemente la culture de la coca et proscrit certaines substances afin de limiter les risques de narcotrafic. Après enquête, les Chiliens l’ont accusé de contrebande d’acide sulfurique, un composant du sulfate de cocaïne. Ces accusations reposent sur la relation technique (le ratio) d’utilisation d’acide sulfurique pour la production d’acide borique. Selon les autorités, qu’elles soient chiliennes ou boliviennes, il faut 600 kg d’acide sulfurique pour produire une tonne métrique d’acide borique. Or, l'entrepreneur utilisait beaucoup plus que 600 kg, il en utilisait 1000 kg. Où allaient donc les 400 kg qui restent sur chaque tonne de produit fini ? En tous les cas, cela fait beaucoup d’acide sulfurique disparu dans la nature, sachant qu’il produisait des tonnes d’acide borique…
Guillaume Roelants a été interpellé en août 2000. L’opération de police s’appelait "Frontera 2000" et était placée sous la direction bi-nationale du Chili et de la Bolivie, avec l’appui de la Drug Enforcement Administration (DEA) des Etats-Unis. Immédiatement arrêté et incarcéré dans la plus grande prison du pays à San Pedro, il a rapidement été transféré à Chonchocoro sur l’Altiplano, la prison la mieux sécurisée du pays. Le 28 juillet 2003, il a été reconnu coupable d’avoir détourné 3’244 tonnes d’acide sulfurique pour la production de cocaïne dans le Chapare (région tropicale de la Bolivie où se cultive traditionnellement la feuille de coca, ndlr) et a été condamné à 12 ans de prison ferme [2]. Mais Guillaume Roelants ne purgera jamais sa peine.
Il faut savoir qu’à cette date, Guillaume Roelants avait déjà exercé beaucoup d’influence dans divers partis politiques. D’abord avec le mouvement de la gauche révolutionnaire MIR, puis le parti de droite ADN (devenu PODEMOS en 2005), le parti centriste-nationaliste MNR (le plus important au XXe siècle), travaillant toujours passivement pour eux, et recevant toujours leur soutien dans les affaires de son entreprise. C’est normal : tout entrepreneur a intérêt à montrer des affinités avec le gouvernement, sans quoi il n’obtient rien. Pas seulement ici, c’est partout pareil. La condition, c’est qu’il y ait entre le gouvernement et l’entrepreneur un tiers de confiance, et en outre, que l’entrepreneur puisse rendre certains services, accomplir certains travaux. Cela dit, la capacité de Roleants à s’introduire dans autant de gouvernements différents est assez impressionnante, mais tout s’explique.
Guillaume Roelants a été interpellé en août 2000. L’opération de police s’appelait "Frontera 2000" et était placée sous la direction bi-nationale du Chili et de la Bolivie, avec l’appui de la Drug Enforcement Administration (DEA) des Etats-Unis. Immédiatement arrêté et incarcéré dans la plus grande prison du pays à San Pedro, il a rapidement été transféré à Chonchocoro sur l’Altiplano, la prison la mieux sécurisée du pays. Le 28 juillet 2003, il a été reconnu coupable d’avoir détourné 3’244 tonnes d’acide sulfurique pour la production de cocaïne dans le Chapare (région tropicale de la Bolivie où se cultive traditionnellement la feuille de coca, ndlr) et a été condamné à 12 ans de prison ferme [2]. Mais Guillaume Roelants ne purgera jamais sa peine.
Le 26 août 2003, soit un mois après sa condamnation, le Tribunal constitutionnel de Bolivie a invalidé la procédure lancée par les services chiliens contre Roelants au motif d’une violation du principe non bis in idem, selon lequel personne ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, invoquée par un recours de l'accusé. En effet, un juge de Potosí le poursuivait parallèlement pour contrebande et trafic d’influences, étant donné que l’acide sulfurique entrait illégalement sur territoire bolivien également, et n'était pas uniquement exporté au Chili. La cour suprême a donc annulé les deux procédures en cours pour les refondre en une seule qui devait être reprise depuis le début. A ce moment, un changement de procédure judiciaire avait lieu en Bolivie, lequel laissait une marge de trois ans pour résoudre les affaires ouvertes sous l’ancien système. Le dossier Roelants est donc tombé sous le délai de prescription avant même que la nouvelle enquête ait pu être menée à bout, et avec lui, toute l’éventuelle responsabilité pénale du patron de Tierra S.A.
D'un gouvernement à l'autre
Il faut savoir qu’à cette date, Guillaume Roelants avait déjà exercé beaucoup d’influence dans divers partis politiques. D’abord avec le mouvement de la gauche révolutionnaire MIR, puis le parti de droite ADN (devenu PODEMOS en 2005), le parti centriste-nationaliste MNR (le plus important au XXe siècle), travaillant toujours passivement pour eux, et recevant toujours leur soutien dans les affaires de son entreprise. C’est normal : tout entrepreneur a intérêt à montrer des affinités avec le gouvernement, sans quoi il n’obtient rien. Pas seulement ici, c’est partout pareil. La condition, c’est qu’il y ait entre le gouvernement et l’entrepreneur un tiers de confiance, et en outre, que l’entrepreneur puisse rendre certains services, accomplir certains travaux. Cela dit, la capacité de Roleants à s’introduire dans autant de gouvernements différents est assez impressionnante, mais tout s’explique.
Pourquoi le MNR [3] ? Le père de Carmen Burgos est non seulement affilié au MNR, mais il a aussi été consul en Argentine et au Pérou. C’est par conséquent une personne d’influence, qui s’est fait une place au sein du gouvernement qui lui faisait confiance, donc qui pouvait servir de caution pour Guillaume.
Pourquoi le MIR ? Beaucoup de ses partisans ont étudié à Louvain. Et en tant que volontaire belge, Roelants a toujours eu certains privilèges, des contacts rapprochés et des conversations avec les MIRistes. Où se trouvent les preuves de ces soutiens ? Dans des décrets suprêmes, des lois ou des dispositions qui lui ont servi dans les concessions qu’il a obtenues. Tous ces résultats sont le fruit d’accords.
Comment est-il arrivé à être proche du MAS ? Guillaume et Chantal ont toujours montré une affinité, une tendance, une identification clairement gauchiste. C'est du moins la réputation qu'ils se sont construite, notamment à Potosí. Pour peu, ils se couvriraient d’un poncho et porteraient un chulo (bonnet andin, ndlr) sur la tête. Chantal a dirigé beaucoup d’ONG, et travaille aujourd’hui pour la fondation Solón, créée par Pablo Solón. Jusqu'à peu, cet homme était l’ambassadeur bolivien à l’ONU. Il est très proche d’Evo Morales et est sans doute parvenu à un tel poste grâce à son rôle dans la crise de de l'eau en 2000, à l’époque où il travaillait dans le secteur. Car cinq ans avant la montée du MAS, il y a eu de violents affrontements à Cochabamba autour de la privatisation des services de l’eau. Pablo Solón, via Chantal, sa collaboratrice, sert donc de garant à la confiance qu’accorde le MAS à Guillaume.
Par ailleurs, il existe un mini parti qui agite depuis longtemps le milieu universitaire et qui a des liens avec des partis internationaux, comme la Quatrième Internationale ou le parti ouvrier brésilien. C’est le Mouvement des Travailleurs Paysans et Indigènes Sans Terre de Bolivie (MST-B). Chantal a toujours été activiste au sein de ce parti, tout comme Guillaume qui le finançait même. C’est une manière de porter le masque : je suis entrepreneur privé, j’ai des intérêts économiques à défendre, mais je suis activiste dans un parti ouvrier. Or, au MST, il y a aussi l’avocat Miguel Albarracin, qui a défendu Roelants dans quelques unes de ses activités. Postérieurement, il est entré au MAS. Je pense qu’il est plus activiste qu’avocat. Mais quoiqu’il en soit, il se rapproche fatalement de certains sénateurs et députés du MAS. Nommé vice-ministre du travail en 2006, Albarracin a ainsi pu introduire Roelants dans le noyau central du parti présidentiel. C’est donc encore un homme proche d’Evo qui se porte garant de la confiance accordée au Belge. D’ailleurs, il est maintenant directeur du Comité scientifique de la GNRE et Chantal a elle aussi une position dans le projet lithium, puisqu’elle est chargée de rédiger les documents pour l’information publique au CEDIB, le Centre de documentation et d'information de Bolivie.
De la prison à la présidence du Comité scientifique
C’est en 2006 que démarre le projet d’exploitation du lithium dans le salar de Uyuni. Pourquoi le MAS s’intéresse-t-il à Guillaume Roelants, que peut-il lui apporter ? A la base, le MAS est un mouvement (Movimiento al socialismo - Mouvement vers le socialisme, ndlr), et non un parti. A cette période, ses activistes, devenus fraîchement le groupe représentant la majorité parlementaire, réfléchissent à comment construire leur régime. Si en ce moment quelqu’un avait une quelconque idée d’innovation écologique ou une autre, jugée pertinente, il pouvait attirer l’attention et intégrer le parti dans la foulée.
De ce que je sais, suite à la déroute de la Lithco quinze ans plus tôt, Roelants a, en 2006, présenté directement à Evo un plan d’industrialisation du lithium. Conseillé par Solón qui lui a confirmé les capacités de Roelants (c’est justement le profil de personnes dont il manque cruellement au MAS), le président Morales propose de le nommer à la tête de la Direction Générale des Ressources Evaporites (DGRE). D’ailleurs, le terme "ressources évaporites" découle du fait que Roelants a toujours été très à la pointe concernant les déserts de sel boliviens, mais pour le bore et non pas pour le lithium.
Ce titre est très agréable, vu la rareté des déserts de sel dans le monde. Pourtant, le Belge le refuse sous prétexte que son passé judiciaire pourrait nuire au projet. Evo lui propose donc de nommer la personne de son choix au poste de directeur. Et c’est ainsi qu’est choisi Saúl Villegas, un ancien collaborateur de Tierra, alors chargé des exportations. Je le connais car je suis ingénieur chimique. Ayant beaucoup travaillé dans ce domaine, je pense que cette nomination est un jeu d’intérêts. Car si la presse l’a fait passer pour un grand expert scientifique, c’est loin d’être le cas. Pour sa part, Guillaume est placé dans un placard doré à l’abri des regards en devenant président du Comité scientifique de la GNRE, une sorte de table ronde d’experts consultants mais dont la composition reste assez floue.
Apparition rare de Guillaume Roelants lors des rencontres professionnelles organisées le 10 décembre 2010 à La Paz par la COMIBOL (voir chapitre 2). Discret, le président du Comité scientifique du projet bolivien d'exploitation du lithium ne se laisse pas approcher par les médias. Cette vidéo est la seule trace que nous avons pu graver de lui lors de notre reportage.
Après avoir créé la DNRE, Roelants fait sortir Saul Villegas du directoire et il le remplace par Luis Alberto Echazu, alors ministre des mines, à la tête de l’organisme qui devient en même temps la Gérance Nationale des Ressources Evaporites (GNRE), et non plus la Direction générale. Luis Alberto Echazu a étudié la chimie métallurgique en Suède, il a enseigné à l’Université mais il n’a jamais exercé comme professionnel. Même s’il faisait partie de la Centrale ouvrière bolivienne, même s’il s’impliquait dans beaucoup d’activités syndicales, son expérience de terrain reste insignifiante. Techniquement, il ne joue pas un grand rôle mais il sert d’assesseur à Roelants qui dit ne pas être payé pour son poste de directeur du Comité scientifique. Selon lui, ce serait un titre uniquement honorifique. Or, juste avant le sommet climatique de Cochabamba qui a eu lieu en avril 2010, la presse de Potosi [4] a enquêté, trouvé et publié le contrat de travail qui lie la COMIBOL à Guillaume Roelants, dans lequel il est fait mention d'un salaire de plus de 7'000 pesos boliviens par mois. (Cette somme, environ 1'000 francs suisses, représente une rémunération très haute pour le pays, ndlr.)
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Ce document est paru dans le quotidien El Potosi le 15 juillet 2010. |
A l'occasion du Sommet climatique, profitant d’être sous le feu des médias du monde entier, des révoltes populaires ont éclaté pour revendiquer la mise en place de services minimaux (eau et électricité) car beaucoup de villages sont encore déconnectés. La révolte des Potosinos s’est ensuite étendue au thème du lithium et à la revendication de leur participation au processus d’exploitation. De fil en aiguille, un mouvement de colère a ressurgi contre Roelants dont le peuple exigeait la démission, suite au scandale du salaire qu'il niait recevoir, avec toujours une rancune liée à ses acquisitions de terrain dans la région. Mais jusqu’ici, la société civile n’a encore participé en rien pour la simple et bonne raison que seul Guillaume Roelants décide de qui rentre ou ne rentre pas dans le processus. Le gouvernement a beaucoup trop d’intérêts en jeu avec cet homme pour accepter de le remettre en question. Les revendications populaires ont tout simplement été ignorées.
Les Potosinos veulent contrôler leurs ressources, participer au processus, et le revendiquent au nom de la nouvelle Constitution. Celle-ci définit quatre types d’autonomie : municipale, départementale, régionale et indigène (originaire et paysanne). Mais une autre loi précise que l’autonomie est valable dans tous les cas, hormis les ressources naturelles qui sont, elles, à la charge de l’Etat. Ce thème est intéressant, car il illustre bien l’écart entre le discours du gouvernement et la réalité.
FRUTCAS, l’instrument du MAS
Selon le gouvernement, la première institution qui appliquera ce contrôle social sera le programme d’exploitation du lithium, et que c’est la Fédération Régionale Unique des Travailleurs Paysans du Sud de l’Altiplano (FRUTCAS). Quand Chantal et Guillaume sont arrivés en Bolivie, lui s’est dirigé vers les affaires tandis qu’elle a tout de suite voulu travailler dans le social. Elle a commencé par coordonner tous les mouvements sociaux des minorités (indigènes, femmes, etc.) jusqu’à devenir la meneuse de FRUTCAS aux côtés de Pablo Solón. A cette époque, la direction de la fédération était assurée par Francisco Quisbert.
C’est bien connu que les gens de l’altiplano sont très dociles. Tu leurs donnes une demeure pour passer la nuit et cela leur suffit. De là, il est facile d’en profiter. Alors qu’à la base, le but de cette organisation est de protéger le peuple du sud-ouest de Potosi, elle s’est convertie en machine de soutien au MAS, et par conséquent à Roelants. Une organisation sociale devrait pourtant être indépendante d’une classe ou d’une couleur politique. Dans ce cas, FRUTCAS a perdu cette ligne à ses dépens.
En avril 2010, les manifestants en colère ont reversé plusieurs containers de la mine d’argent, de plomb et de zinc de San Cristobal pour protester contre son rachat par la japonaise Sumimoto. Les protestataires ont également demandé que FRUTCAS ne soit plus reconnue comme l’organisme qui les représente. Mais la force politique de la fédération a demeuré grâce à l'appui du MAS, y compris dans son affrontement contre le ComCiPo au sujet de l’exploitation du lithium, sous prétexte que leur organisation était plus locale que le comité civique, dont l’échelle est départementale. Par conséquent, le thème du lithium ne se borne plus aux intérêts personnels et aux inimitiés de Guillaume Roelants, mais c’est devenu très sérieux, engrangeant des luttes intestines au sein de la population de Potosi", conclut Pablo.
L'infiltration du MAS dans FRUTCAS est davantage développée par Milton Lérida dans la seconde partie du chapitre 3.
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L'infiltration du MAS dans FRUTCAS est davantage développée par Milton Lérida dans la seconde partie du chapitre 3.
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[1] Il est assez facile de trouver des articles confirmant ces informations sur le net, à l'exemple de ce blog qui a reproduit une enquête originellement publiée dans un magazine mexicain (voir l'entrée du 3 septembre 2003): http://www.newsroom-l.net/blog/archives/2003_09.html
[2] http://eju.tv/2010/05/belga-que-tuvo-condena-por-desviar-insumos-para-drogas-asesora-a-evo/
[2] http://eju.tv/2010/05/belga-que-tuvo-condena-por-desviar-insumos-para-drogas-asesora-a-evo/
[3] « Le MNR est proche du secteur minier et son fondateur, Gonzalo Sánchez de Lozada possédait à ce moment les entreprises les plus grandes du pays, notamment Comsur, racheté depuis par Glencore. Mais avant de partir de Bolivie, Goni a transféré tous ses avoirs à Glencore. Apparemment, Glencore l’aurait racheté, mais moi qui travaille dans ce milieu je sais que ce ne sont que des accords, du négoce. On peut très bien conserver son patrimoine tout en le mettant au nom de quelqu’un d’autre. Je sais que cela ne peut pas se faire dans certains pays socialistes où j’ai vécu, mais en Bolivie c’est possible, » précise Pablo.
[4] Le lien vers l'article n'est malheureusement plus disponible. Toutefois, sur la page de El Potosí du 15 juillet 2010 mise en lien, on peut encore lire dans le sommaire de la rubrique locale (au-dessous des grands titres) le titre de l'enquête "Guillermo Roelants cobró por su trabajo en COMIBOL". Il se trouve que nous avions enregistré une copie du texte et des photos qui accompagnaient l'article lorsqu'il était encore disponible en ligne.
[4] Le lien vers l'article n'est malheureusement plus disponible. Toutefois, sur la page de El Potosí du 15 juillet 2010 mise en lien, on peut encore lire dans le sommaire de la rubrique locale (au-dessous des grands titres) le titre de l'enquête "Guillermo Roelants cobró por su trabajo en COMIBOL". Il se trouve que nous avions enregistré une copie du texte et des photos qui accompagnaient l'article lorsqu'il était encore disponible en ligne.